dimanche 26 juillet 2009

Le parc central des zem



Il y a de jolies rencontres comme celle avec Delphine que j'avais envie de partager ici. J'ai rencontré Delphine à Cotonou alors qu'elle prenait la décision de venir vivre ici pour retrouver son ami béninois.
Et quelle décision, quelle détermination et quel courage ! Delphine est journaliste. Elle a cette façon de vous raconter avec des détails spatio-temporels minutieux chacune de ces rencontres, de ces journées qui vous construise un voyage. Elle écrit. Elle écrit des chroniques, souvent.

Voici un texte qu'elle avait souhaité partager en me proposant de l'illustrer :

"Jusqu’à présent, j’ai écrit des chroniques après un événement, un moment de vie, une rencontre qui m’inspirait. Rien n’était prévu, prémédité. Celle-ci est donc particulière : elle parle d’un lieu qui a toujours attiré mon attention à Cotonou, un lieu où je me suis rendue exprès cette semaine pour mieux le connaître. Je n’y suis pas allée seule, mais avec Karine, une amie illustratrice à qui j’ai demandé une faveur : croquer cet endroit avec ses crayons, ses couleurs. Mes mots, ses traits.

Cet endroit s’appelle le parc central des zem de Camp Marie.
Parc central des zem, car c’est le quartier général des conducteurs de taxi-motos. Camp Marie car il est situé en plein cœur de Cotonou, juste en face du camp militaire.
C’est un immense abri avec de grosses branches en guise de poteaux et de charpentes pour tenir un toit en tôles ondulées. Il est adossé au mur de la faculté de médecine. Devant, sur le pavé, des dizaines de motos sont garées, perpendiculaires au trottoir, malgré… les panneaux
« interdiction de stationner » ! Il y a un mois, une société a installé une petite cabine en bois peinte en rouge, blanc, vert. « Mecarun » propose aux zem des « produits anti-pollution » et « l’Air Stop, anticrevaison de technologie militaire » !
Les zem sont nombreux à tout moment de la journée. Vêtus de leurs chasubles jaunes, ils viennent là pour se reposer sur les bancs en bois. Pour manger, chez les bonnes dames qui ont installé leurs cantines. Ils viennent aussi pour lire les journaux. Ils s’attroupent devant
un « mur » d’une trentaine de titres accrochés avec des pinces à des cordelettes, comme du linge en train de sécher sur un fil. Ils lisent les unes. Pour en savoir plus, ils achètent le journal au vendeur qui a son stand juste derrière.
Mais les zem viennent surtout pour parler de politique !
C’est ici, au parc central de Camp Marie, qu’on peut prendre la température du pays et suivre les débats les plus acharnés. D’ailleurs, les députés, les ministres, et même, même… le président de la République arrêtent leurs voitures sur le bord de la route pour consulter les zem! C’est ce que nous apprenons en discutant avec Donatien, Léon et Hubert, le chef du parc. Il a été élu pour un an et c’est lui qui veille au bon ordre du lieu et qui modère les ardeurs de ses collègues quand la fièvre monte. Il y a un règlement affiché sur un panneau de contreplaqué, règlement édicté par l’Association des Amis Zem (2AZ). L’article 5 stipule : « le racisme, le régionalisme et les querelles sont strictement interdits ». En cas de non-respect des consignes, amende !
« Ici chaque zem est politique, mais le chef du parc est apolitique !», déclare Léon.
Donatien soutient le président Boni Yayi et son parti, les Forces cauris pour un Bénin émergent. Il appartient au « Front d’action des zémidjan pour le changement ». C’est écrit sur sa chasuble, autour du dessin de deux zem soutenant un cauri.
Je décide de l’appeler « zémergent » !
Immédiatement, un autre zem nous montre son dos. Lui milite pour le PRD, Parti du Renouveau Démocratique. Un troisième affiche son appartenance à la RB, la Renaissance du Bénin.
Pffff… nous étions loin d’imaginer que nous allions nous retrouver dans un hémicycle.
Léon a lui aussi un logo imprimé sur sa veste : « SOS zem ». Ce n’est pas un syndicat mais une association de taxi-motos qui ramassent les blessés en cas d’accident pour les conduire au CNHU. Il est l’un des rares à porter un casque !
Au parc central de Camp Marie, on rencontre des zem qui refont le monde et d’autres qui sauvent des vies !

Merci à Donatien, Hubert et Léon



BONUS : il y a 100 000 zem à Cotonou pour une population
d’1 million d’habitants ! Même s’ils ne sont pas tous politisés, ils constituent une sacrée force, un lobby puissant."

Delphine Bousquet - le Vendredi 9 janvier 2009 à Cotonou

1 commentaire:

franck a dit…

salut madame bousquet c'est franck noudofinin j'ai lu une de vos chronique sur "l'arbre à palabre". j'ai vraiment aprécié