lundi 15 juin 2009

Sur la route de Rafiy Okefolahan

On entre chez Rafiy Okefolahan par une petite cour.Des hauts de boumba et autres tissus à motifs très colorés sèchent au soleil.Il fait chaud et moite. Nous sommes à Cotonou, capitale économique et effervescente du Bénin. Son atelier se trouve dans un quartier du bord de mer, Fidjrossè. Rafiy, nous ouvre sa porte, un large sourire aux lèvres.



Bonjour Rafiy, peux-tu me parler un peu de toi et de ton parcours?
Je suis artiste-plasticien et photographe natif de Porto-Novo.
Autodidacte. Au début, je peignais sur des toiles de jute du figuratif avec beaucoup de couleurs… c’est ce qui se vendait le mieux.
Un jour, j’ai rencontré un artiste togolais qui m’a appris que l’on pouvait peindre autrement, avec une démarche artistique, une suite logique dans le travail. Je suis resté à travailler dans son atelier pendant un an.
Puis j’ai eu la joie de faire une année à l’Ecole Nationale de Arts de Dakar, ainsi que plusieurs ateliers au Sénégal avec des artistes de diverses nationalités.
C’est à ce moment que j’ai découvert d’autres techniques comme la peinture sous-verre que j’ai développé et la photographie.
J’ai donc commencé à suivre quelques photographes dans leur travail, et je me suis mis à photographier mon entourage, les maisons, l’architecture, des linges suspendus dans des cours. Quand je suis revenu à Cotonou, j’ai choisi de travailler sur l'environnement en s'inspirant des déchets en prenant en photo les ordures. Je trouvais que les formes et les couleurs ressemblaient à des toiles que j’avais vu de Jackson Pollock. C’est à la dernière Biennale de Dakar en 2008, qu’en discutant avec des photographes, je me suis dit que je pouvais moi aussi faire de la photographie tout en ayant une véritable démarche. Je me suis lancé.

Tout en parlant, Rafiy fait défiler sur son ordinateur toutes sortes de clichés tantôt en couleur, tantôt en noir et blanc. Assis sur de jolis coussins fleuris posés sur des nattes, entre deux sodas et quelques cacahuètes, nous poursuivons :

Peux-tu nous parler de cette démarche que tu développes actuellement en photographie ?

J’ai intitulé mon dernier projet « Alice au pays des merveilles ».



Ce projet est le fruit de ma rencontre avec Fabiola, une roumaine parachutée au pays du vodoun. C’est son étonnement face à certaines choses, qui pour moi sont anodines, habituelles, qui ont suscité ma curiosité. Par exemple une personne urinant au bord de la voie, une dame transportant une grosse bassine sur la tête, des zemidjans (taxi-moto) véhiculant 4 personnes sur la même moto, etc. Lorsque Fabiola m’a rejoint à Dakar pour la Biennale, nous avons décidé de redescendre à Cotonou par la route. Faire ce bout de chemin ensemble m’a permis d’approfondir ce thème que nous avions commencé au Bénin. Les photographies en noir et blanc me paraissaient très expressives pour mener à bien ce projet.




Un regard croisé en soi.
Un jeu de miroir ou comment par leurs errances deux personnes (re)découvrent, une, voire des Afriques, à travers le regard de l’autre.
Rafiy d’ajouter à mon interrogation sur ces multiples voyages qu’il cherche à s’affirmer, se trouver parmi ces Afriques traversées. Trouver en quelque sorte son identité car ce n’est pas parce que l’on est natif de quelque part qu’on ne peut pas trouver son identité ailleurs.



Fabiola me glisse quelques mots de Lewis Caroll extraits d’«Alice au pays des merveilles» en fin d’après-midi. Ces quelques mots savoureux suffiront à clore cette belle rencontre et à résumer le merveilleux parcours de Rafiy.

Alice au chat :
« Voudriez-vous me dire, s’il vous plaît, par où je dois m’en aller d’ici ?
- Cela dépend beaucoup de l’endroit où tu veux aller.
- Peu m’importe l’endroit…
- En ce cas, peu importe la route que tu prendras.
- … pourvu que j’arrive quelque part, ajoute Alice en guise d’explication
- Oh, tu ne manqueras pas d’arriver quelques part, si tu marches assez longtemps »

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